Clauses abusives : "EasyJet ne l’a pas volé... Ryanair et Air France aussi dans le collimateur !"

La chronique de ​Jean-Louis BAROUX (tourMag)

mardi 14 février 2012, par administrateur

C’est la première fois et ce n’est pas rien.

Le 31 janvier 2012, le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné sévèrement la compagnie EasyJet pour clauses abusives dans son contrat de transport (Clauses abusives ou illicites : Easyjet épinglée par la justice ).

Clauses que vous êtes censés avoir lues et approuvées lors de tout achat de votre billet sur Internet ou ailleurs, alors qu’elles sont pour l’essentiel illisibles, compliquées et peu explicites.

C’est d’ailleurs ce qu’a jugé le Tribunal en pointant du doigt pas moins de 23 clauses allant de la gestion des bagages aux moyens de paiement. La sanction n’est pas mince.

Le TGI a donné à la compagnie 60 jours pour s’amender sous astreinte de 150 € par jour et par clause, ce qui fait si je calcule bien, 3 450 € par jour pour les 23 clauses soit plus de 100 000 € par mois.

Créer des recettes additionnelles pour compenser les tarifs attractifs

Ce qui, dans cette affaire, est le plus satisfaisant est de constater qu’enfin, une association de consommateurs, en l’occurrence Que Choisir, a décidé de porter le fer dans la plaie.

Ça n’a pas été facile, ni rapide. La première mise en demeure de l’association à la compagnie date de… 2008.

Bien entendu elle n’a reçu aucune réponse. Mieux valait ignorer la demande, c’était toujours du temps de gagné. Il a fallu 4 ans pour faire aboutir la procédure.

Certes, ce qui arrive à EasyJet, elle ne l’a pas volé. Lequel de ses clients n’a pas un jour ou l’autre pesté contre des pratiques dont le seul but est de créer des recettes additionnelles destinées à compenser la mise sur le marché de tarifs très attractifs ?

Dernière frustration, parmi de nombreuses autres, les sacs à main des femmes sont considérés comme des bagages à main.

Or comme un seul est autorisé en cabine, elles doivent s’arranger pour le mettre dans leur sac ou leur valise de cabine qui sont calibrés au millimètre. Tout cela pour essayer de récupérer quelques euros pour la valise qui sera mise en soute !

Une dérive qui touche l’ensemble du transport aérien

Depuis longtemps, je pense que la relation entre EasyJet et ses clients est en train de se dégrader, au fil des petites vexations qui leur sont imposées.

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à écouter la bande annonce des consignes de sécurité au décollage comme à l’atterrissage. Il fut un temps où elle comportait plus de 10 interdictions. Voilà qui dénote une grande qualité d’accueil...

Ce qui est plus important encore est que l’association Que Choisir ne s’est pas contentée de mettre au Tribunal EasyJet, elle l’a fait également pour Ryanair et Air France.

Les audiences devraient arriver dans les semaines ou les tous prochains mois. Car la dérive touche l’ensemble du transport aérien et pas seulement en France.

La Fédération Allemande des Consommateurs a elle aussi intenté une action et pas contre des petits transporteurs : il s’agit ni plus ni moins que de British Airways et Lufthansa.

Nul doute que cette offensive des associations de consommateurs envers les compagnies aériennes va faire boule de neige.

J’ai toujours pensé que les transporteurs ne s’amenderaient pas de leur propre chef et que seules des actions judiciaires seraient en mesure de leur faire retrouver un bon sens qui disparait progressivement.

Prochaine étape : le "yield management" ?

Il serait d’ailleurs surprenant que l’affaire s’arrête là. On imagine assez mal les autorités Européennes ne pas mettre leur nez dans les relations entre les compagnies aériennes et les clients de ces dernières.

Cela a d’ailleurs commencé avec la législation sur les compensations en cas de retard ou d’annulation des vols ainsi que pour ce qui concerne le « surbooking », mot qui était tabou pendant des années alors que tous les transporteurs le pratiquent.

En tous cas, je vois dans l’action de ces associations de consommateurs un signe positif pour rétablir des relations sereines entre de grandes sociétés aux comportements opaques et les pauvres clients qui ne peuvent pas se défendre individuellement contre beaucoup plus gros qu’eux.

Finalement c’est un des aspects les plus intéressants du monde judiciaire. Et les compagnies condamnées auraient tort de mal prendre ces jugements. Cela doit les amener au contraire à justifier, à l’intérieur de leurs entreprises, la recherche d’une meilleure relation avec leurs clients.

La prochaine étape visera peut-être les pratiques du « yield management » qui ont déconnecté le produit de son prix et donc de sa compréhension par les utilisateurs.

En paraphrasant le Général de Gaulle, je dirais « vaste programme ! ».

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