Sylvia Pinel : « Le tourisme est un formidable atout pour la France » par Christophe Palierse - 16 février 2013

Les Echos

"Dans un entretien aux « Echos », Sylvia Pinel, ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme, tire un premier bilan de l’activité touristique en 2012. Le secteur, qui « résiste mieux que d’autres à la crise », « est un formidable atout pour la France » mais doit se « fédérer », souligne-t-elle. Pour ce faire, des « contrats de destination », réunissant les opérateurs et les collectivités locales, vont être signés. Elle estime par ailleurs que l’accueil « est un axe majeur d’amélioration ».

aLaDeux

jeudi 21 février 2013, par administrateur

Quel bilan tirez-vous de l’année 2012 du tourisme français ?

Le secteur résiste mieux que d’autres à la crise mais il n’est pas pour autant à l’abri. On voit bien l’incidence de la conjoncture et d’une météo pas forcément clémente. La fréquentation est en légère baisse pour les Français qui réservent de plus en plus tardivement. A contrario, elle a légèrement progressé pour la clientèle étrangère. Globalement, le total des recettes avoisine 77 milliards d’euros mais attention, c’est un chiffre provisoire. Les statistiques ne sont pas encore consolidées pour le dernier trimestre qui peut être porteur. Or, les premiers retours sur les vacances de Noël sont favorables. Les taux d’occupation sont compris entre 80 % et 100%. La France était redevenue la première destination mondiale pour le ski en 2012, cela se confirme. Tout cela montre encore, au fond, le poids considérable du tourisme qui représente plus de 7% du PIB et 2 millions d’emplois. C’est un formidable atout pour la France.

Pour bien des professionnels, le secteur n’apparaît pas pour autant comme une priorité pour le gouvernement...

Je ne ressens pas cela. Les professionnels connaissent ma feuille de route. Ils sont volontaires, dynamiques et souhaitent sincèrement s’impliquer dans la mise en oeuvre du projet du gouvernement. Je veux agir de manière concertée avec l’agence de développement touristique Atout France. Il faut notamment que les territoires soient fédérés à l’international sous la marque France et éviter que l’on se disperse.

N’y a-t-il pas tout de même un problème d’affichage quand il n’y a toujours pas de liaison ferroviaire directe entre Roissy et Paris. Quelle est votre position sur CDG Express ?

Il y a un problème d’accueil en général. Il faut s’en occuper dès les premières secondes de l’arrivée des touristes. On parle du manque de personnel au contrôle des passeports, mais il y a aussi des problèmes d’accueil avec les faux taxis. Il y a aussi des problèmes de sécurité. L’accueil est un axe majeur d’amélioration. Les professionnels veulent d’ailleurs des formations mieux adaptées en la matière, y compris pour les langues étrangères. L’enjeu, au fond, pour moi c’est la qualité, avec la promotion et l’emploi bien sûr.

Quelles mesures comptez-vous prendre ?

Concernant la promotion de la destination France, il revient à Atout France de s’occuper des marchés internationaux. J’ai fixé au nouveau président des priorités claires : les pays émergents, la Chine, l’Inde, l’Amérique latine, tout en continuant de travailler avec les partenaires européens qui sont notre clientèle traditionnelle. Concernant l’offre domestique, nous allons mettre en place des « contrats de destination ». Les premiers seront signés d’ici à l’été. Il s’agit de fédérer les opérateurs et les collectivités locales d’un même territoire sur un thème. Cela peut être la culture, le patrimoine, le thermo-ludisme, « l’oenotourisme »... Le « contrat de destination » sera un contrat entre le ministère et les collectivités locales auxquelles Atout France apportera son expertise, y compris pour mieux cibler les clientèles étrangères. Pourquoi regarder du côté de Shanghai si un territoire a tous les ingrédients pour séduire des touristes d’Europe du Nord et réciproquement.

Concernant les clientèles asiatiques, nous avons oeuvré avec les ministères de l’Intérieur et du Redressement productif pour fluidifier les attributions de visas. Mais je crois qu’il faut aller plus loin : il faut une meilleure coordination sur le plan européen. J’aimerais qu’il y ait des « contrats de destination » européens avec plusieurs sites à visiter. Mes homologues espagnol et grec y sont très favorables. Mon homologue allemand est ouvert. Il faut changer nos habitudes. On s’est jusqu’à présent comporté en concurrents. Il faut penser à une marque Europe.

En dépit de quelques gros opérateurs, la filière touristique française est très atomisée. Est-ce un handicap ?

Bien plus que l’atomisation du secteur et sa diversité, ce qui m’a surtout frappée en arrivant au ministère, c’est l’importance de la coordination. Il faut effectivement fédérer les acteurs. Les collectivités locales, les professionnels du tourisme, sont conscients de l’importance de cet enjeu. Ils sont déterminés à se mobiliser pour relever ce défi. Les « contrats de destination » les y aideront. Et quand je parle de fédérer, je pense aussi aux transports, aux entreprises implantées sur les territoires. Le tourisme industriel a le vent en poupe. J’ai demandé au Conseil national du tourisme de travailler à identifier nos priorités en termes d’emploi. On parle de 50.000 emplois non pourvus, mais lesquels ? Où ? Je suis convaincue que le tourisme a un rôle déterminant à jouer dans le redressement de notre pays.

Vous avez annoncé, fin novembre, une concertation sur la restauration. Quand va-t-elle démarrer ?

Le « comité de filière » qui ne comprendra pas seulement les organisations professionnelles, mais aussi des personnalités d’autres univers connexes, comme les métiers des arts de la table ou de l’agroalimentaire, se réunira en mars. Tous les sujets seront abordés : l’attractivité des métiers et la formation, la qualité, le travail illégal, entre autres. Je crois qu’il faut simplifier les procédures administratives pour l’obtention du titre « Maître Restaurateur » et le moderniser. Il ne s’agit pas d’attribuer un titre au rabais mais de le rendre plus accessible. J’ai remis il y a quelques semaines le 2.000e titre, ce qui fait peu finalement. Cette démarche de qualité n’est pas encore visible, ni aux yeux des professionnels ni aux yeux du grand public. C’est dommage, car il faut arrêter de montrer du doigt ce secteur et se tourner maintenant vers une démarche constructive d’amélioration de sa qualité. Dans un souci de simplification administrative, je pense aussi qu’il faudra se pencher sur le classement hôtelier.

Vous avez promis des mesures en faveur du tourisme social. Pourriez-vous les préciser ?

Près d’un Français sur deux ne part pas en vacances. Les jeunes sont particulièrement touchés puisque 3 millions d’entre eux sont concernés par ce problème. La crise économique que nous traversons tend à creuser les inégalités dans ce domaine. C’est pourquoi, j’ai confié au Contrôleur général Claudie Buisson, en novembre, une mission pour favoriser l’accès aux vacances des personnes qui ont le plus de difficultés pour partir, avec une priorité pour les jeunes et les familles monoparentales. Des premières expérimentations auront lieu dès le mois de mars puis en été. Elles seront évaluées pour bâtir un plan d’actions qui s’étendra ensuite à l’ensemble du territoire.


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